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© Jean-Louis Fernandez

Théâtre

L'Esthétique de la résistance

Sylvain Creuzevault - Compagnie Le Singe

En adaptant le roman-phare du dramaturge Peter Weiss, Sylvain Creuzevault plonge dans les eaux obscures de la montée du fascisme et éclaire notre présent.

Sylvain Creuzevault examinait dans Edelweiss [France Fascisme], présenté la saison dernière à l’Odéon, le camp de la collaboration française pendant la Seconde Guerre mondiale. Réciproquement, L’Esthétique de la résistance s’intéresse à la résistance intérieure, allemande, au nazisme. Paru en trois tomes de 1976 à 1982, le roman de Peter Weiss suit le parcours initiatique d’un jeune homme en pleine guerre anti-fasciste qui voyage de Berlin à Stockholm en passant par l’Espagne, et, au fil de ses rencontres avec toutes sortes de personnages historiques, dont Bertolt Brecht, se pose la question d’une possible unité communiste. Issu du milieu ouvrier, il se forme en parallèle – et c’est là toute la singularité et la force de l’œuvre de Weiss – à l’analyse des œuvres d’art, pour construire avec ses amis une généalogie de l’art résistant, libéré de toute injonction idéologique.

Créé en 2023 avec le Groupe 47 de l’École du Théâtre national de Strasbourg et des membres de la compagnie, ce spectacle est porté par quinze acteurs au jeu échevelé et dantesque. Il se nourrit de l’héritage des théâtres – documentaire, épique, de tréteaux, d’agit-prop, de la commedia dell’arte et du théâtre-récit –, c’est-à-dire de ce que Sylvain Creuzevault appelle « le théâtre des distances, qui présente le monde et les situation humaines comme modifiables. » En adaptant une œuvre où conditions sociales et formes de représentation sont les deux faces d’une même médaille, le metteur en scène questionne l’histoire européenne du point de vue de celle du communisme, et, en ces temps incertains, édifie « une arche contre le déluge. »

Les avis des critiques : 

Marie Sorbier, rédactrice en chef de I/O et productrice du "Point Culture" sur France Culture : "C’est un grand spectacle engagé, comme toujours chez Creuzevault, qui creuse son sillon des idées marxistes et prouve une fois de plus que le théâtre est le médium parfait pour les mettre à la portée de tous. C'est tout ce que le théâtre public devrait être, un spectacle enthousiasmant, mais qui en même temps élargit nos consciences. Creuzevault est très fort, il arrive à prendre des textes pas du tout théâtraux et à en faire du théâtre pur. Dans des dialogues savoureux, les personnages se posent des questions fascinantes et très concrètes sur le pouvoir de l’art, de la peinture. Ils rendent la philosophie de l’art complètement théâtrale. Les réponses ouvrent un champ de réflexion et de conscience très large, j’ai eu l’impression de penser en permanence, avec des interrogations qui sautent des unes aux autres. C'est un spectacle très stimulant, avec des acteurs prodigieux !"

Vincent Bouquet, journaliste : "C'est une adaptation audacieuse, brillante et exigeante. En entremêlant le pouvoir émancipateur de l’art, la résistance au fascisme et les convulsions de l’utopie communiste, la pièce résonne de façon troublante avec notre actualité. Le projet est complètement fou, on aurait pu douter de la possibilité d’adapter un pavé de neuf cents pages, qui brasse énormément de choses, au théâtre. Ce n’est pas juste le récit d’un résistant à l’européenne : la collection d’œuvres d’art - allant de Goya et Picasso à Géricault ou Brecht - placées sur son chemin résonne chez lui de manière prophétique, intime et politique et participe à sa transformation progressive. Creuzevault a une rigueur intellectuelle et un souci du détail qui font un bien fou. Il fait confiance au spectateur et le pousse à s’emparer de ce flot d’idées, avec un vrai équilibre entre exigence et accessibilité. Il réussit à tirer Peter Weiss vers lui sans le dénaturer, dans une fluidité incroyable permise par des vecteurs formels et scéniques."


---- ECOUTEZ L'EMISSION LES MIDIS DE CULTURE, FRANCE CULTURE 10 MARS 2025 ----


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Production Théâtre national de Strasbourg. Coproduction et production déléguée Le Singe. Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National. Avec le soutien du Théâtre des 13 vents centre dramatique national de Montpellier, de Bonlieu scène nationale d’Annecy, de la MC93 Maison de la culture de Seine Saint-Denis, du Théâtre national de Strasbourg et de l’Odéon Théâtre de l’Europe pour la reprise du spectacle en tournée Les décors, les accessoires et les costumes ont été réalisés par les ateliers du Théâtre national de Strasbourg. Peter Weiss est représenté par L’Arche - Agence théâtrale. Le roman L’Esthétique de la résistance, traduit de l’allemand par Éliane Kaufholz-Messmer, est publié aux Éditions Klincksieck, 2017. « À 80 ceux qui viendront après nous », le poème représenté écrit par Bertolt Brecht en 1938 pendant son exil, est publié dans le recueil Poèmes - Tome 4 à L’Arche Éditeur (1966) dans une traduction d’Eugène Guillevic. Remerciements à Jean-Gabriel Périot, réalisateur du court-métrage Under Twilight (2006), musique de Patten (Groupe), qui nous a autorisé à diffuser gracieusement des images de son film. Le spectacle a été créé le 23 mai 2023 au Théâtre national de Strasbourg.