Dans tous les pays, à toutes les époques, des femmes ont été tuées parce qu'elles étaient femmes. Aujourd’hui, encore, quelque part dans le monde, une femme meurt toutes les onze minutes. Dans un livre somme, réunissant plus de 138 contributions (dont celles de Silvia Federici, Rosa-Linda Fregoso, Elisa von Joeden-Forgey, Dalenda Larguèche, Patrizia Romito, Rita Laura Segato, Aminata Dramane Traoré), paru aux éditions La découverte, Christelle Taraud met en lumière le continuum des violences qui s’exerce sur les femmes depuis la préhistoire jusqu’à nos jours sur les cinq continents. Manière d’arracher le féminicide au fait divers et à la sphère privée, cette approche met en lumière la dimension collective qui relie le féminicide - comme la forme la plus violente et la plus spectaculaire qui s’exerce sur le corps des femmes - aux autres violences que les femmes subissent tout au long de leur vie. Cette tribune sera donc l’occasion d’inscrire dans une perspective systémique les violences faites aux femmes, en temps de paix, comme en temps de guerre, et de mettre au jour l’histoire de cette assignation dans les structures du patriarcat tout autant que les répressions qui s’abattent sur elles dès lors qu’elles tentent de s’en échapper. Car oui, le meurtrier est tout autant construit que la victime. Et c’est aux conditions de possibilité de ce crime - notamment étatiques - qu’il faut s’attaquer si on veut en finir avec lui.

Christelle Taraud est une historienne et féministe contemporaine. Elle est « spécialiste de l’histoire contemporaine du Maghreb » et de la prostitution coloniale. Professeur dans les programmes parisiens de Columbia University of New York et de New York University, elle est également chercheur à l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (laboratoire CNRS/EHESS/INSERM/Paris VIII), et à l'ULB (Université libre de Bruxelles). Elle a notamment publié La prostitution coloniale. Algérie, Tunisie, Maroc (1830-1962) (Payot, 2009 [2003]), Mauresques. Femmes orientales dans la photographie coloniale (1860-1910) (Albin Michel, 2003) et " Amour interdit ". Prostitution, marginalité et colonialisme. Maghreb (1830-1962) (Payot, 2012).